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JUSTICE RESTAURATRICE

Voir aussi la rubrique NEGOCIATION ET MEDIATION

Dans divers pays du monde se développe un système de justice original qualifié de justice restauratrice (ou réparatrice). Celle-ci repose essentiellement sur le postulat selon lequel la réponse la mieux adaptée à un comportement criminel consiste à réparer les préjudices causés par l’acte illicite.
Dans un processus de justice restauratrice, victime et coupable se rencontrent (dans la mesure évidemment où la victime est d’accord) en présence d’un médiateur (parfois nommé facilitateur) compétent et ayant reçu une solide formation. Parfois d’autres personnes sont présentes, parents et amis de la victime et du coupable.
Un objectif majeur est que le coupable prenne conscience du mal causé et répare ce mal, dans la mesure du possible. Alors que la justice pénale classique se focalise surtout sur le fait que l’agresseur doit recevoir la punition qu’il mérite, la justice restauratrice se focalise sur les besoins de la victime et sur la responsabilité de l’agresseur pour réparer la blessure.

On peut résumer les effets de la justice restauratrice sous forme de trois R :
-  Réparation de la victime
-  Responsabilisation de l’auteur
-  Rétablissement de la paix sociale

Le Ministère de la Justice du Canada a publié en 2001 une synthèse (1) de l’ensemble des documents sur la justice restauratrice publiés au cours des 25 années précédentes, laquelle aboutit aux résultats suivants :

REPARATION DE LA VICTIME
Toutes les études examinées sauf une montrent que les victimes qui ont participé à un programme de justice réparatrice sont beaucoup plus satisfaites que celles qui sont passées par la justice traditionnelle. La seule étude qui présente un résultat négatif est également la seule où la peine avait été décidée par le juge avant la rencontre entre victimes et agresseurs, et donc où les victimes n’ont pas pu influencer la décision du juge.

RESPONSABILISATION DE L’AGRESSEUR
Les délinquants qui participent aux programmes de justice réparatrice ont un taux de respect des engagements beaucoup plus élevé. Par ailleurs, ces programmes ont une incidence positive, faible à modérée, sur la satisfaction des délinquants. Une étude cependant montre un niveau de satisfaction des délinquants nettement moins important que par le biais de la justice traditionnelle ; c’est la même que précédemment, c’est-à-dire la seule où la peine avait été décidée par le juge avant la rencontre entre victimes et agresseurs.

RETABLISSEMENT DE LA PAIX SOCIALE
Plus des deux tiers (72 %) des études montrent une réduction de la récidive, comparativement aux résultats obtenus par le biais de la justice pénale traditionnelle. Notons pour finir que la justice restauratrice entraîne généralement une diminution du nombre et de la gravité des sanctions infligées, mais pas leur élimination. La plupart des auteurs d’actes qui participent à cette forme de justice en tirent d’ailleurs le sentiment qu’il est légitime d’être sanctionnés pour ce qu’ils ont commis.

La justice restauratrice obtient des résultats non seulement dans la violence interpersonnelle, mais également dans la violence sociale et politique. C’est précisément ce choix qu’a fait Desmond Tutu, après qu’il ait été chargé par Nelson Mandela de mettre en place une Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud. « Nous concevons uniquement une justice punitive, dit Tutu, qui n’a d’autre but que de châtier. (...) Je soutiens qu’il existe une autre forme de justice, une justice réparatrice qui était le fondement de la jurisprudence africaine traditionnelle. Dans ce contexte-là, le but recherché n’est pas le châtiment ; en accord avec le concept d’ubuntu, les préoccupations premières sont la réparation des dégâts, le rétablissement de l’équilibre, la restauration des relations interrompues, la réhabilitation de la victime, mais aussi celle du coupable auquel il faut offrir la possibilité de réintégrer la communauté à laquelle son délit ou son crime ont porté atteinte. » (2).

Notons enfin le grand intérêt manifesté envers la justice restauratrice par le Conseil de l’Europe et l’ONU :
-  Conseil de l’Europe : « Le recours à des sanctions et à des mesures appliquées dans la communauté, ainsi qu’à des mesures de justice réparatrice, peut avoir un impact positif sur les coûts sociaux de la criminalité et de la lutte contre celle-ci » (3).
-  ONU : « Cette approche offre la possibilité aux victimes d’obtenir réparation, de se sentir davantage en sécurité et de trouver l’apaisement, permet aux délinquants de prendre conscience des causes et des effets de leur comportement et d’assumer leur responsabilité de manière constructive et aide les communautés à comprendre les causes profondes de la criminalité, à promouvoir leur bien-être et à prévenir la criminalité » (4).

(1) Latimer J., Dowsden C. et Muise D. (2001). L’Efficacité des pratiques de la justice réparatrice, Méta-analyse, Ottawa, Direction de la Recherche et de la Statistique, Ministère de la Justice du Canada.
(2) Tutu D. (2000). // n ’y a pas d’avenir sans pardon, Paris, Albin Michel, p. 59.
(3) Conseil de l’Europe (2005). Résolution n° 2 relative à la mission sociale du système de justice pénale —Justice réparatrice, 26e conférence des ministres européens de la justice.
(4) Organisation des Nations Unies (2008). Principes fondamentaux des Nations Unies concernant le recours à des programmes de justice réparatrice en matière pénale, dans Manuel sur les programmes de justice réparatrice, New York, p. 101-103.

Par Jacques Lecomte

Ce document peut être repris, partiellement ou intégralement, à condition d’en indiquer la source :
© Jacques Lecomte - http://www.psychologie-positive.net

Cette page constitue une version raccourcie du chapitre La justice restauratrice, rédigé par Jacques Lecomte, dans l’ouvrage :
J. Lecomte (dir.). Introduction à la psychologie positive, Paris, Dunod, 2009, p. 257-270.